Les in-adéquates
Celles qui ne rentrent pas dans les cases, et qui pourtant portent un monde en elles.
Cette semaine une de mes clientes m'a dit :
« Vous savez Alexandra, je me suis longtemps sentie comme un caillou au milieu de perles.
On m’a toujours fait sentir que j’étais un peu à côté.
Trop sensible. Trop vive. Trop ...
Mais en posant les mots, en prenant du recul dans cet espace que vous offrez, j’ai compris que ce n’est pas moi le problème. C’est juste que je n’avais jamais eu cet espace pour penser autrement. »
Et cette phrase a résonné fort d'autant que je suis sensible et rousse et que, de ce fait, j'ai également ressenti cet inconfort : faire partie et être à part.
Parce qu' il y a celles que l’on ne voit pas tout de suite.
Celles qui marchent un peu à côté.
Celles qui doutent quand d'autres imposent.
Celles qui analysent quand d'autres avancent vite.
Celles qui ressentent trop.
Celles qui s’interrogent trop.
Cette catégorie de femmes qui sont souvent oubliées dans les discours classiques sur le leadership parce que :
- Elles ne sont pas toujours sur le devant de la scène.
- Elles ne parlent pas fort.
- Elles ne se battent pas pour être visibles à tout prix.
- Elles ne cherchent pas à convaincre, ni à impressionner.
Et pourtant, elles sont là. Présentes. Solides. Sensibles.
On dit d'elles ou on les appelle parfois les « différentes », les « trop », voire les « in-adéquates ».
D'autant que parfois… elles ne savent même pas comment se nommer elles-mêmes.
Peut être parce qu'elles se sentent elles aussi « in-adéquates ».
Parce qu’elles ne rentrent dans aucune case.
Et que trop souvent, on leur a fait croire que c’était un problème.
Trop sensibles, trop délicates, trop discrètes …
- Elles écoutent trop.
- Elles observent trop.
- Elles questionnent trop.
- Elles osent même parfois avoir les larmes aux yeux en réunion, ou partir quand leur cœur dit non.
Et alors, on les juge.
- Trop sensibles.
- Trop lentes.
- Trop subtiles.
- Trop complexes.
Et pourtant…
Celles qui se sentent « in-adéquates » sont celles qui ressentent profondément.
Elles captent l’atmosphère d’une pièce en entrant.
Elles sentent ce qui se joue derrière les mots.
Elles perçoivent l’invisible dans une réunion :
- les tensions non dites,
- les besoins non formulés,
- les inconforts tus.
Et, elles soutiennent les autres en silence.
Elles voient les dérives avant qu’elles n’arrivent.
Elles savent tenir des espaces. Accompagner. Faire évoluer.
Elles doutent aussi.
Beaucoup.
Souvent.
- De leurs compétences même si elles les connaissent,
- De leur manière d’être, de leur " différence ".
- Et de cette voix intérieure qui ne crie pas et qui sait.
Et elles jouent leur rôle… parfois jusqu’à l’épuisement
Souvent, elles apprennent à :
- se fondre,
- performer,
- s’adapter,
- jouer le jeu,
- faire ce qu’il faut, comme il faut.
et elles savent faire. Elles savent même le faire très bien.
Elles ont coché toutes les cases : études brillantes, postes à responsabilités, efficacité irréprochable.
Tout semble être parfait pour elles. Pourtant à quel prix ?
- Une fatigue qui perdure.
- Un doute sourd.
- Un désalignement subtil qui s'installe.
Elles donnent beaucoup et se donnent rarement autant à elles-mêmes.
Et si cette manière d’être était précisément ce dont le monde a besoin ?
- Et si ce n’étaient pas elles les « in-adéquates » ?
- Et si leur délicatesse n’était pas une faiblesse ?
- Et si leur capacité à ressentir, à ralentir, à voir plus loin… était une autre forme de force ?
Et si c'était le système qui avait oublié l’essentiel ?
- Ralentir.
- Mettre du sens.
- Nuancer.
- Etre dans la profondeur.
- Etre en relation.
Et si leur manière d’être n’était pas une faiblesse…
Et si c'était une autre forme de force ?
- Plus douce.
- Plus intérieure.
- Plus sensible.
- Mais pas moins solide.
Une force moins visible... donc moins valorisée par les codes classiques du leadership.
Mais pourtant une force incarnée, stable, sensible.
Une force qui répare, qui réunit, qui régénère.
Ce que ces personnes qui se sentent ou pensent «inadéquates » me disent, en accompagnement
- « Je n’ai plus envie de me forcer. »
- « Je suis fatiguée de jouer un rôle. »
- « Je veux continuer à évoluer, mais autrement. »
- « Est-ce que c’est possible de manager, de diriger sans se perdre ? »
Et derrière ces mots, il y a toujours un élan, un appel.
Celui de retrouver un espace.
- Pour respirer.
- Pour sentir.
- Pour s’ajuster.
- Pour revenir à l’essentiel.
Pas pour tout quitter.
Pour « habiter » autrement ce qu’elles font déjà.
Ce que je leur dis et que j'ai envie de dire à celles qui liront ce texte
À vous, les « in-adéquates » :
- Vous n’avez rien à prouver.
- Rien à corriger.
- Rien à effacer.
Votre intensité n’est pas un défaut.
Votre besoin de silence n’est pas une fuite.
Votre doute n’est pas un manque.
Votre vulnérabilité est une forme d'intelligence.
Vous êtes entières.
Vous êtes précieuses.
Et ce que vous incarnez est une voie d’avenir.
Un autre type de leadership
Le leadership des « in-adéquates » ne crie pas.
Il ne s’impose pas.
Il ne cherche pas à dominer.
Il écoute.
Il ressent.
Il inclut plus.
Il ne joue pas un rôle, il crée un espace.
Il crée avec le vivant, pas contre lui.
Il est sensible et incarné.
Il incarne un espace dans lequel les autres peuvent se sentir pleinement eux-mêmes.
Et ça, c’est rare.
Et ça, c’est précieux.
Ce leadership-là naît de l’intérieur.
Et il aura besoin de vous.
Pas de vos masques.
Pas de votre conformité.
Il aura besoin de votre vérité.
Il commence par un retournement
Un jour, les « in-adéquates » .....
- arrêtent de chercher à devenir ce qu’on attend d'elles,
- commencent à écouter ce qui est là, en sourdine depuis des années,
- prennent un carnet,
- écrivent,
- respirent différemment,
- s’autorisent un « non »,
- s’autorisent un « oui »,
- commencent à se choisir.
Ce mouvement n’est pas spectaculaire.
Il n’est pas bruyant.
Mais il est radical.
Et c’est là que tout commence à changer.
Ce que je crois profondément
Je crois que les « in-adéquates » sont celles qui réconcilient le monde avec lui-même.
- Parce qu’elles savent ce que c’est d’être en décalage.
- Parce qu’elles ont passé des années à faire semblant d’aller bien.
- Parce qu’elles connaissent les nuances.
- Parce qu’elles osent rester humaines.
Et, elles portent en elles :
- une sagesse,
- une sensibilité,
- une forme d’intelligence émotionnelle et intuitive rare et nécessaire.
Pour consolider tout cela, elles ont besoin d’un espace, d'un espace pour se reconnaître.
Pas pour se corriger.
Pas pour se conformer
Et si vous en faisiez partie ?
- Et si, au lieu de continuer à vous adapter, vous acceptiez d’honorer votre différence ?
- Et si, au lieu de douter de votre place, vous la redessiniez à partir de vous ?
- Et si, au lieu de chercher à devenir comme les autres, vous redeveniez vous-même — profondément, simplement, puissamment ?
-
Et si, au lieu de vous adapter encore, vous redonniez de la valeur à ce que vous êtes déjà ?
Car ce que vous cherchez… c’est souvent ce que vous portez déjà en vous :
- En silence,
- En profondeur,
- En beauté.
Aller sur ce chemin n’est ni un luxe, ni un caprice.
C’est une nécessité.
Parce que le monde ne manque pas de performance.
Il manque de présence.
Et vous, vous en êtes porteuse.
Alors à toutes les In-adéquates :
Ne changez pas pour entrer dans les cases.
Faites de votre façon d’être… un modèle.
Pas pour plaire.
Mais pour montrer qu’un autre chemin est possible.
Le vôtre. Celui d'accepter sa singularité.
- Et vous, où vous situez-vous aujourd’hui ?
- Dans la conformité ou dans la justesse ?
- Dans la performance ou dans la présence ?
- Dans l’adaptation… ou dans l’incarnation ?
